Yongoyély

Note 3 étoiles

Spectacle de de la compagnie Circus Baobab vu le 23/07/2025 à la Scala Provence (84) à 14h10 dans le cadre du festival Off d’Avignon

  • Artistes: 6 artistes de cirque guinéennes, 2 porteurs et 1 voltigeur guinéens, Kadiatou Camara, Mamadama Camara, Yarie Camara, Mariama Ciré Soumah, M’Mah Soumah, M’Mah Sylla, Djibril Coumbassa, Amara Tambassa, Mohamed Touré
  • Direction artistique : Kerfalla Camara
  • Mise en Scène et Scénographie: Yann Ecauvre
  • Producteur délégué : Richard Djoudi
  • Intervenants cirque : Julie Delaire & Mehdi Azéma
  • Création musicale et sonore : Yann Ecauvre et Mehdi Azéma
  • Chorégraphie collective : Yann Ecauvre, Mehdi Azéma, Julie Delaire, Mouna Nemri & les artistes
  • Création Lumière : Jean-Marie Prouvèze
  • Création de costumes : Solenne Capmas
  • Type de public : Tout public à partir de 12 ans
  • Genre : Cirque contemporain
  • Durée : 1h10

 

J’avais vu Yé, le précédent spectacle du Circus Baobab, cette troupe du cirque social, solidaire et citoyen venue de Guinée. Un spectacle porté par des hommes. Je ne voulais surtout pas rater leur nouvelle création, YongoYely, cette fois entièrement portée par des femmes.

Le rideau s’ouvre. Sur scène, des femmes — mais aussi quelques hommes — vêtus de vêtements de sport colorés, tous différents. Certaines portent des jupes. Tous sont debout sur des parpaings, qu’ils quittent un à un. Le béton, c’est celui des villes. Alors qu’une femme porte déjà un parpaings sur la tête, un homme lui en rajoute un deuxième. Elle s’effondre. Le poids est trop lourd. Le poids symbolique que portent les femmes est ici rendu terriblement concret.

Le spectacle se construit dans une scénographie brute : pas de décors, si ce n’est ces parpaings et quelques grumes (petits troncs d’arbre guinéens). Pas d’accroche, pas d’aubans. Il y aussi un fouet (utilisé en Guinée pour effrayer les oiseaux). Ils caleront ces grumes sur les parpaings pour créer des appuis instables, mais suffisants, et exécuteront dessus des figures acrobatiques vertigineuses. Rien n’est facilité, tout est gagné avec ingéniosité et bravoure.

La bande-son mêle des chants africains, des silences, et une voix de femme de là-bas, qui parle des femmes. Mais on ne comprend pas toujours ses mots : l’accent, les bruits, le micro mal réglé peut-être… Peu importe. Les mots se perdent comme se perdent parfois les paroles des femmes dans nos sociétés.

À neuf sur scène — six femmes et trois hommes — ils nous offrent un répertoire impressionnant : barre russe, fouet, mat chinois, portés acrobatiques, acrobaties au sol, contorsions, danses traditionnelles et contemporaines, krump, et aussi  chant, pyramides humaines, équilibres… C’est riche, varié, intense. Et c’est aussi très physique.

À plusieurs moments, la tension est palpable. Une femme, en équilibre entre deux barres tenues à bout de bras par ses partenaires, les pieds et les mains posés à l’horizontale, le ventre offert au vide. Un acrobate grimpe sur elle. J’ai retenu mon souffle, partagé entre admiration et peur. Le premier claquement du fouet m’a fait sursauter. Le geste est ample, le fouet long, très long. Il fend l’air, s’approche du public. Une mimique, un sourire de la circassienne : « Je vous ai fait peur, non ? » — oui, clairement. Le message est puissant : les femmes sont chargées, brutalisées, poussées. Mais elles résistent, tombent, se relèvent, s’élèvent. Elles transforment la contrainte en puissance.

Le final est particulièrement marquant. Les femmes apparaissent en rouge, les autres en costumes de squelette. Pour moi, les squelettes incarnent la mort, la fin d’un cycle, l’abolition d’un système oppressif. Le rouge, c’est le pouvoir, celui que les femmes reconquièrent. Un signal fort, et en même temps, plein d’optimisme.

Et puis, il y a ce dernier geste : le mur de parpaings qui s’effondre. Il était une frontière, une oppression. Sa chute résonne comme une libération. Le mur tombe, et avec lui tombent les entraves. L’image est simple, mais bouleversante.

YongoYely ne se contente pas de montrer des prouesses : il porte un message, il interpelle, il questionne. C’est un cirque qui parle de la vie, du combat des femmes, de leur puissance, de leur résilience.
À ne pas rater.

 

JDM

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