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Un poison nommé violence

Note 3 étoiles

Spectacle de la compagnie Bleu Blanc Rouille (84) vu au théâtre de l’Adresse à Avignon, dans le cadre du festival Aptérygogènes, le 11 juin 2025 à 19 h. Présent au Festival Off d’Avignon 2025, le 8, 15 et 22 juillet.

  • Texte et mise en scène : Flora Condé
  • Comédienne : Flora Condé
  • Genre : Théâtre, seule en scène
  • Public : Tout public à partir de 10 ans
  • Durée : 50 minutes

 

C’est à l’occasion d’un petit festival mi-professionnel mi-amateur, au nom bien incongru, Aptérygogènes, au théâtre de l’Adresse à Avignon, que je découvre cette petite pépite de spectacle, en avant-première du festival d’Avignon, où il sera joué trois fois.

 

Flora Condé n’a pas froid aux yeux pour son tout premier geste de comédienne professionnelle. Elle écrit, met en scène et joue seule sur scène ce « Poison Nommé Violence » avec une détermination et une puissance de jeu surprenantes. Là où l’on pouvait s’attendre à une expression de cris et de douleur, par le thème délicat porté au coeur du spectacle – la violence intra familiale vécue par une enfant de 8 ans avec ses conséquences et avatars sociaux- il y a au contraire un texte distillé face public, sans emphase, d’une voix claire et posée presque froide. Ce qui a le bel avantage, que j’ai particulièrement apprécié, de laisser au spectateur le temps de bien entendre et de bien comprendre ce qui est dit. Si le message est grinçant, lucide, machiavélique parfois, il est aussi sans ambiguïté. La violence est partout.

Fil conducteur et élément central du spectacle, Flora Condé a choisi de lui donner la forme d’une femme belle, élégante, intemporelle, intelligente dont la particularité remarquable est de parler en vers  octosyllabiques. Un rythme, voire une certaine poésie se dégagent de ses paroles. Ça ressemble à du slam mais parlé, comme une voix intérieure, créant un effet de fascination. En contrepoint de ce discours généraliste, une enfant maltraitée par un de  ses parents dit son mal-être, son incompréhension, ses pensées coupables et ses tentatives de révolte. On la suit ensuite, jeune femme, avec le chaos qu’elle affronte. Enfin, on découvre la femme qu’elle est devenue à la rencontre de l’amour. La tendresse comme antidote au déterminisme de la violence.

Du chant, de la danse ouvrent des espaces de respiration, qui sans jamais tomber dans la démonstration virtuose, donnent à sentir ce que le corps peut exprimer sans pouvoir être dit.

Le dispositif scénique est des plus légers. Deux hauts paravents noirs en fond de scène, une chaise haute à jardin, un tapis et une valise à cour, laissant de grands espaces au jeu à l’actrice.

Au fil du spectacle, avec pudeur, quelque chose se dévoile. L’ensemble des différents discours et points de vue agissent comme une toile d’araignée dans laquelle on est pris et soudain l’émotion arrive au milieu d’une phrase, sans prévenir. Ce dont il s’agit nous concerne tous.

L’énergie libératrice et la chaleur des applaudissements du public m’ont fait penser à quel point, sans crier gare, ce spectacle a su trouver un chemin dans l’intime de chacun et nous concerne d’une manière ou d’une autre dans nos histoires personnelles. Dans la salle, je remarque soudain la belle diversité des spectateurs. C’est rare. Le racisme et la discrimination sont des formes de violence. Flora Condé en sait quelque chose. Voilà une pièce qui ajoutera sa pierre vers d’avantage de démocratisation culturelle. Une belle réussite !

« Un poison nommé Violence » se jouera trois fois pendant le festival d’Avignon, les mardis 8, 15 et 22 juillet à 14 h 05 au théâtre de l’Adresse.

 

Madeleine Esther


				

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