Spectacle de la compagnie OrNotToBe (94) vu le 08 juillet à 15 h 55 au Théâtre Artéphile dans le cadre du Festival Off d’Avignon.
- Auteur : Clotilde Cavaroc
- Mise en scène : Elise Noiraud
- Comédiens : Kimiko Kitamura et Stéphane Hausauer
- Scénographie : Fanny Laplane
- Chorégraphies : Ira Nadia Kodiche
- Type de public : Tout public à partir de 12 ans
- Genre : Théatre Contemporain
- Durée : 1 h 10
- Création lumière : François Leneveu
On parle trop peu de la sexualité des personnes en situation de handicap. Ou alors avec gêne, méconnaissance, voire déni. En France, l’accompagnement sexuel reste un sujet tabou, non légiféré et souvent assimilé à de la prostitution. La pièce Toutes les autres lève ce voile, sans jamais se poser en plaidoyer ni en manifeste. Elle se contente de raconter une histoire humaine, simple et essentielle. Cette pièce m’a permis de découvrir quelque chose que j’ignorais totalement : l’existence des accompagnants sexuels pour les personnes en situation de handicap. C’est un sujet dont on ne parle jamais, et je trouve important que le théâtre ose lever ce tabou avec autant de délicatesse.
La pièce commence dans le noir complet, et on entend seulement les témoignages de personnes concernées : des accompagnants ou des personnes en situation de handicap. Le fait d’être plongé dans le noir rend ce moment très puissant, car on est obligé de se concentrer uniquement sur les mots, les voix, les émotions. Notre écoute est décuplée, et ça m’a vraiment marquée. Deux voix se croisent sur scène. Celle de Clémence, jeune femme en fauteuil roulant depuis un accident de voiture, qui tente de se réapproprier son corps et ses désirs après trois années de solitude affective et de silence charnel. Et celle d’Antoine, accompagnant sexuel, qui met à disposition son écoute, ses gestes et sa tendresse contenue. Au fil des rendez-vous, une complicité naît, une douceur s’installe. Et ce qui m a frappée, c’est la beauté des scènes d’amour. Plus que des étreintes, ce sont de véritables danses charnelles et sensuelles. Les deux comédiens se frôlent, se cherchent, s’enlacent avec pudeur et grâce. C’est beau, troublant, mais toujours d’une grande délicatesse. Ces instants traduisent toute la dimension humaine, tendre et sensible de ces rencontres où le corps redevient vivant et où l’on s’autorise à être touché, regardé, aimé. J’ai beaucoup apprécié qu’on suive à la fois Antoine, l’accompagnant, dans sa vie personnelle — il est marié, père de famille, il participe à des réunions — et qu’on ressente ce que cela représente pour lui, les limites à poser, l’impact que ça peut avoir émotionnellement. Ça montre que ce n’est pas un acte anodin. Et en parallèle, on découvre le cheminement de Clémence, cette femme en fauteuil, qui au départ n’ose pas demander, et qui peu à peu, grâce à cette relation, retrouve confiance, retrouve son corps, son plaisir et sa féminité. Ce parcours est très beau et très touchant.
C’est une pièce qui parle d’amour, de désir, de dignité et d’humanité. Elle m’a vraiment bouleversée. Un grand bravo aux deux interprètes qui ont su rendre ce spectacle profondément touchant et émouvant. Grâce à leur sincérité et leur justesse, cette histoire prend vie avec beaucoup de pudeur et de tendresse. Merci également à la mise en scène et à la chorégraphe, qui a su transformer les scènes d’amour en véritables danses sensuelles et poétiques, et à la musique qui accompagne avec subtilité et émotion ce beau spectacle.
N’hésitez pas : allez voir cette pièce !
Claire Thomas