Tout le monde est occupé

Note 3 étoiles

Spectacle de la Compagnie La Ligne (07) vu le 4 novembre 2025 à 20 h au Théâtre de Privas (07) 

  • Auteur : Christian Bobin
  • Adaptation et Mise en scène : Maïa Jarville
  • Interprétations : Fanny Fezans, Maxime Mikolajczak, Martin Kamoun, Pauline Masse
  • Scénographie – Costumes : Elsa Belenguier et Maïa Jarville
  • Fabrication Marionnettes : Lisa Marchand-Fallot
  • Création lumière : Sarah Eger
  • Création Sonore : Louise Blancardi
  • Construction Accessoires : Matthieu Jackson (TNP)
  • Conseils Construction : Emile Valantin
  • Type de public : Adultes à partir de 10 ans
  • Genre : Théâtre Contemporain
  • Durée : 1 h 20

J’avais lu « Tout le monde est occupé » il y a quelques temps, et j’avais été profondément touchée par ce texte à la fois poétique, fantaisiste et plein d’humanité. J’étais curieuse de découvrir comment une adaptation théâtrale pourrait traduire cette langue si libre, si subtile. La compagnie ardéchoise La Ligne en a proposé une très belle version scénique, à la fois fidèle à l’esprit du texte et pleine de fraîcheur. 

Ariane est une femme libre et fantasque. Elle vole quand elle est amoureuse et — détail délicieux — chaque fois qu’elle donne un baiser, elle tombe enceinte. De là naissent ses trois enfants aux prénoms tendres et singuliers : Manège, Tambour et Crevette. Femme de ménage, elle travaille chez différentes personnes et croise sur sa route trois personnages qui gravitent autour d’elle, chacun à leur manière, dans ce monde à la fois banal et merveilleux. Avec eux, Ariane traverse vingt années de vie, de rires, d’émotions, portée par son regard libre et son imaginaire débordant. Derrière ces personnages fantasques et ces dialogues teintés d’absurde, on perçoit  une réflexion délicate sur la spiritualité du quotidien, cette foi discrète en la beauté du monde et en la bonté des êtres. On observe les obsessions et habitudes de chacun avec une infinie tendresse.

La mise en scène, inventive et poétique, m’a profondément touchée. Tout commence par une parole chorale partagée, un souffle commun : les quatre comédiens parlent, bougent, respirent ensemble, comme un seul corps. ils sont à la fois narrateurs, témoins, acteurs du destin d’Ariane. Peu à peu, l’histoire s’empare d’eux. Les personnages naissent, se déploient, s’émancipent, jusqu’à faire disparaître le chœur. Ils jouent avec les artifices du théâtre, détournent les objets, manipulent les matières, créent des images avec presque rien. Le décor est épuré, mais tout prend vie : un tissu devient marionnette et devient une présence fragile et émouvante, chargée d’humanité, la lumière se fait émotion.

J’ai beaucoup aimé cette adaptation portée par la compagnie ardéchoise La Ligne. Ces quatre bons comédiens ont su s’approprier le texte avec justesse et sensibilité. Ils parviennent à créer du sens dans toute cette fantaisie, à nous emmener dans un univers où se mêlent réalité, vie, rêve, banal et merveilleux. Ils donnent vie à une galerie de personnages fantasques et attachants, dans une belle harmonie de gestes et de mots. Ils nous entraînent dans cet imaginaire où tout vacille entre rêve et réalité, et nous donnent envie de voir le monde avec les yeux, les mains et le cœur d’Ariane et de sa tribu.

Merci à la troupe ardéchoise La Ligne, qui a accompli un travail remarquable. Adapter Christian Bobin n’est pas chose facile : son écriture est si imaginaire, poétique et singulière. Et pourtant, ils ont réussi ce pari : garder la poésie, la légèreté et la délicatesse de l’auteur, tout en lui donnant un souffle théâtral vibrant et vivant.

Bravo à eux pour cette réussite sensible et lumineuse!

 

Claire Thomas

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