Touchée par les fées

Note 4 étoiles

Spectacle mis en scène par Thierry Thieû Niang, vu à la Scala Provence en Avignon (84), le 11 octobre 2025.

  • Interprète : Ariane Ascaride
  • Texte : Marie Desplechin
  • Mise en scène : Thierry Thieû Niang
  • Genre : Théâtre adolescents, adultes.
  • Durée : 1h10

 

Le spectacle commence par une voix off qui s’adresse au public. La comédienne, Ariane Ascaride, surgit sur l’avant-scène par une petite porte sur la droite : tailleur-pantalon noir, elle porte deux valises, passe devant le public, rejoint la scène où seules deux piles de valises constituent le décor.

Ariane Ascaride va dire / jouer son autobiographie, sa vie, mise en écriture par Marie Deplechin : sa famille désargentée, un père napolitain qui parle de théâtre et d’opéra, une mère française dont les parents n’apprécient guère l’arrivée d’un italien dans la famille.

Le père, un homme à femmes.

Des parents qui ne se parlent pas ; « Il y a des silences si violents » dira la comédienne.

Deux frères et elle, la petite dernière. La complicité avec son père coiffeur mais également artiste, qui embarquera ses mômes sur les planches.

La première fois, elle n’a que six ans : sur une scène marseillaise, elle joue la sœur de Caligula.

Ariane reconnaît qu’elle a eu parmi cette modeste famille une solide éducation à la culture. Ariane se déplace en rythme tout en déroulant, à travers la scène, une corde rouge tendue, mimant en rythme le cœur de l’armée rouge.

Des références d’époque allègent le propos, sa maman qui aimait Joe Dassin, la comédienne fredonne Aux Champs Elysées ; des références également à sa culture provençale, la pastorale à Noël, qu’elle évoque avec l’accent de l’ange « Boufareou », bien connu des provençaux.

Née pour être le pantin de son père, nous confie-t-elle. Il me frappe, Maman est au travail, suis toute seule, je fais ce qu’il m’ordonne ; j’entre dans un temps suspendu : le néant. Je ne suis pas toute seule.

A l’intérieur, une plaie dégueulasse qui ne veut pas se fermer.

Habile mise en scène, Ariane tend, puis regarde la photo prise dans la valise. Simultanément, celle-ci est projetée en grand sur le fond de la scène ; ensuite, la comédienne ira l’épingler sur la corde. Y seront ainsi épinglés photos, vêtements, châle blanc, … Et ce, au fil de sa narration. Ainsi, la chemise blanche symbolisant les amantes du père, lui servira de voile de communiante.

Ariane dévoile aussi son ressenti à l’égard du cinéaste Robert Guédidian : de petits  extraits de films apparaissent sur le châle écran.

Une mise en scène pertinente, légère et malicieuse, sans surcharge. Une chorégraphie finale légère, réjouissante, qui embarque complètement un public enchanté.

Avec ou sans talons, l’actrice et comédienne se révèle plus que jamais dans ce spectacle talentueuse, authentique et d’une générosité rare. Une voix, un témoignage, une autobiographie poignante et réjouissante.

Pour avoir assisté en 2016 au premier opus de ce spectacle au petit Louvre, j’avoue qu’alors je n’avais point ressenti le même enthousiasme.

Ariane parvient et s’autorise.

Totalement extravertie à sa propre farouche liberté, la comédienne se livre totalement naturelle et sans tabou.

Ses précédents rôles dans ces mêmes murs et la libération de la parole des femmes ont contribué à faire de cet opus, le spectacle d’une septuagénaire accomplie.

Un peu à la manière d’un film de Vinterberg (« Drunk »), la touche finale (apothéose du spectacle) parachève la symbiose avec le public conquis et heureux.

Félicitations et merci beaucoup !

 

Gisèle-Lydie Brogi

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