Stellar

Note 4 étoiles

Spectacle de la Compagnie L’œuf ou l’humain (75), vu le jeudi 18 juillet à 21h00 au Théâtre Tremplin dans le cadre du Festival d’Avignon 2025.

 

  • Mise en scène : Pauline Auriol et Axel Alcala
  • Avec : Axel Alcala / Pierre-Louis Sémézis, Pauline Auriol, Hugo Brard, Nastasya Kotnarovsky
  • Chorégraphie : Emma Savignat
  • Création lumière : Hélène Faucheux
  • Scénographie : Théo Phélippeau
  • Création son : Valentin Santes
  • Costumes : Faustine Redero–Bloy
  • Public : Tout Public (à partir de 12 ans)
  • Durée : 1h15

 

Tu dois découvrir quel est le jeu. Quelles sont ses règles. Et surtout, comment gagner. Bon voyage sur Stellar.

 

Stellar est un spectacle d’une beauté époustouflante, autant dans sa forme que dans le fond. Les talentueux·ses et hypnotisant·es comédien·nes nous entraînent avec elleux à travers cette histoire aussi tragique qu’elle est belle.

2058. L’humanité se meurt. Les guerres ont ravagés le monde. La terre comme nous la connaissions n’existe plus. Malgré tout, Léo et Nina ont pourtant réussi à trouver l’amour dans cet univers post-apocalyptique. Lui est timide et solitaire. Il travaille dans la technologie et le développement de jeux vidéo virtuels, dont il est lui-même un grand adepte. Elle est pétillante, enragée, c’est une grande activiste prête à tout pour préserver le peu qu’il reste de la nature dans ce monde détruit. Le soir de leurs fiançailles, Léo essaye une toute nouvelle technologie qu’il a récupérée à son travail : Stellar, un jeu virtuel ultra-immersif. Trois mois plus tard, il y est toujours. Bien décidée à obtenir des réponses et à gagner son procès contre Kaizen, le milliardaire invisible à l’origine de Stellar, Nina prend la décision de se connecter elle-même au jeu pour retrouver Léo et le ramener.

Pour ancrer l’univers dans cette esthétique post-apocalyptique, la Compagnie L’œuf ou l’humain a recours à une scénographie et une mise en scène impressionnante. Entre les lunettes à réalité mixte et le casque de réalité virtuelle de Stellar, chaque élément est visuellement très impactant. Tout est pensé pour être esthétique sur scène, tout en représentant des prototypes ingénieux qui pourraient tout à fait voir le jour d’ici quelques années.

Tout, dans la mise en scène de Stellar, est pensé pour mettre en lumière cette dichotomie entre le monde réel et le monde virtuel. Au centre de la scène, trône un grand cercle noir légèrement surélevé. Lorsque les personnages sont dans le monde réel, le cercle est froid, et dur. Dès qu’iels sont dans le jeu, le cercle se transforme, il prend vie. Des LED intégrées projettent des couleurs chatoyantes sur toute la scène, et répondent aux émotions des personnages.

Au niveau des costumes, cette même dichotomie se traduit par des textures rugueuses, des assemblages de mauvaise qualité et des couleurs ternes pour le monde réel, contre des couleurs chatoyantes, des matières nobles et une esthétique épurée et impatiente sur Stellar. Ces changements de costumes entre les deux mondes sont faits à vue, ce qui est d’autant plus impactant.

Les ambiances sonores répondent également à ces parallèles entre le monde réel, où tout est tristement silencieux et dépourvu de fantaisie – voire même tout n’est que douleur et horreur, comme le son des bombardements qui résonnent régulièrement dans le monde réel – et Stellar, où elles sont omniprésentes. Très inspirés de l’univers des jeux vidéo, les morceaux que l’on entend sur Stellar sont tantôt épiques, tantôt émotionnels, le tout dans des styles musicaux éclectiques qui retiennent l’attention des spectacteur·ices.

Les chorégraphies et les corps de manière générale prennent également une grande place dans ce spectacle. A partir du moment où Nina arrive sur Stellar, ses mouvements sont chorégraphiés, presque à la manière des personnages que l’on peut voir dans ces jeux vidéo justement. Les comédien·es sont envoûtant·es, et ces mouvements oniriques amènent une esthétique étrange et envoûtante dont il est presque impossible de détourner les yeux.

Il est très facile pour le public de s’identifier aux personnages principaux. Léo se sent seul, il souffre de l’état catastrophique du monde dans lequel il vit. Il n’a plus la force de se battre. Alors, il essaye de trouver du réconfort dans ces univers virtuels où la guerre, la famine et la peine n’existent pas. Il veut fuir sa réalité, la remplacer par une autre, moins douloureuse, plus douce. Nina, de son côté, est tout l’opposé. Elle renie tous ces échappatoire, elle veut rester dans ce monde et se battre pour le rendre meilleur. Elle ne comprend pas que d’autres peuvent être fatigué·es, peuvent avoir perdu l’espoir. C’est une lecture selon moi très juste d’un activisme d’aujourd’hui, partagé entre celleux qui refusent d’abdiquer, celleux qui n’ont plus la force de se battre, et celleux qui se retrouvent coincé·es au milieu, ne sachant pas qu’elle est la « bonne » solution.

Stellar pose toutes ces questions, sans forcément y apporter de réponse, mais simplement pour amener le public à réfléchir. Le ton n’est pas moralisateur, mais sincère. Vaut-il mieux continuer de se battre, et souffrir encore plus ? Ou essayer d’être heureux·se, même si cela veut dire renoncer ?

Marceline WEGROWE

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