Silence, on lance !

Note 4 étoiles

Spectacle de la Cie Rirolarmes (Belgique) vu le 9 juillet à 10 h au Collège de la Salle, dans le cadre du festival Off 2025

 

  • Auteur : Françoise Rochais
  • Interprétation : Françoise ROCHAIS, Stéphane DELVAUX
  • Collaboration artistique : Elliot JENICOT, Cédric CHAPUIS
  • Genre : Théâtre contemporain
  • Durée : 1.30 h
  • Type de public : Tout public à partir de 12 ans

 

L’affiche a d’abord attiré mon attention, le teaser a confirmé l’intérêt. La collaboration artistique d’ Elliot Jenicot et Cédric Chapuis, dont je connais le travail,  gage de qualité, a achevé de me convaincre. Comme le sujet abordé qui ne peut laisser insensible,  et hélas toujours d’actualité, je décide de me rendre au Collège de La Salle, un lieu que j’affectionne.

La salle de la Chapelle avec sa belle hauteur sous plafond est un bel écrin pour ce spectacle. En effet, Françoise Rochais a choisi d’adapter à la scène son livre « Jongler, à la vie à la mort », dans lequel elle retrace son parcours de majorette dès 5 ans, pour passer ensuite au jonglage à 8 ans,  jusqu’à devenir  championne du monde à Las Vegas, à 15 ans, et détentrice du record du monde de jonglage avec 7 objets différents !  Elle a participé à de nombreuses émissions de télévision, a collaboré au Cirque Bouglione, au Puy du Fou.  Après une longue traversée du désert, elle rencontre l’amour en la personne de Stéphane Delvaux,  déjà connu sous le nom d’Elastic, maître de l’humour visuel, avec qui elle forme aujourd’hui le duo Elastic et Francesca.

Précisément,  nous faisons d’entrée connaissance avec  Françoise lors de la remise des prix à Las Vegas, alors qu’un journaliste lui pose la question qu’il ne fallait pas, «  Qui vous a appris à jongler ? » Françoise déroule alors le fil de son histoire. Un père violent qui abandonne très tôt sa famille, l’entraîneur australien que tous voient comme une « chance » pour l’amener au plus haut niveau, le grand père trop « affectueux », l’entourage qui ne voit rien, elle qui se tait. Par incompréhension de ce qui lui arrive, par honte, par culpabilité, mais aussi pour éviter l’éclatement de la famille.

C’est l’écriture qui lui permettra paradoxalement de « libérer la parole », de se débarrasser de la « boule de silence » qu’elle a laissé grossir dans son ventre pendant des années. Et c’est son art dans lequel elle se lance à corps perdu, domaine dans lequel elle a la maîtrise, qui lui permettra de rester debout

Je n’ai ainsi pu m’empêcher de penser à Andréa Bescond et aux « Chatouilles ou la danse de la colère », Andréa ayant connu les mêmes agressions  dans son enfance, et s’étant accrochée à la danse pour continuer d’avancer.  Mais Françoise elle, n’est pas seule en scène. Stéphane Delvaux l’accompagne, lui donne la réplique parfois, et  incarne tous les rôles masculins. C’est un artiste protéiforme, une sorte de Zébulon avec le même côté facétieux (et les frisettes !) qu’un Daniel Prévost . Il est totalement impayable en journaliste provincial à l’accent belge « à couper au couteau », exceptionnel en homme grenouille qui tente de repêcher le bâton que Françoise a envoyé malencontreusement dans l’eau d’un lac, au Puy du Fou je crois, touchant quand il offre des fleurs à l’élue de son cœur.  Et que dire de cette évocation angoissante de la mort, affublé d’un masque de commedia dell’arte, face à une Françoise, déjà enveloppée d’un linceul…

Les moments difficiles, la solitude, la boulimie, l’envie de s’autodétruire, sont clairement évoqués. Mais la pétillante et ravissante Françoise nous ramène chaque fois à aujourd’hui, et nous offre un florilège de ses talents de jongleuse, mais aussi de danseuse,  portées par de magnifiques choix musicaux, joyeux ou mélancoliques.. Pour n’en citer que quelques uns, Léonard Cohen, Peggy Lee. Trini Lopez, Etta James, et la très belle bande musicale composée par Alexandre Desplat pour le film « Extremely loud and indredibly close » .  Ces moments de grâce sont autant de respirations et de signes d’espoir.

Ces deux artistes talentueux et complices réalisent une performance et  nous livrent un spectacle complet, proche du music hall, émouvant et joyeux, s’appuyant sur une écriture et une mise en scène parfaitement maîtrisées. Une pépite qu’il serait dommage de râter…  Alors, n’hésitez pas, LANCEZ vous !

Cathy de TOLEDO

 

 

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