Samedi soir il ne manquait que toi

Note 3 étoiles

Spectacle de la compagnie Insolence is Beautiful (75), vu vendredi 28 juin à 19 h au théâtre de l’Incongru (84).

  • Texte et mise en scène : Maria Stella Milani
  • Interprétation et direction artistique : Corinne Menant
  • Scénographie et lumières : Aloïs Genestier
  • Voix off : Diong-Keba Tacu
  • Type de public : Tout public à partir de 12 ans
  • Genre : Monologue, seule en scène
  • Durée : 1 h

 

Le théâtre de l’Incongru porte bien son nom. Avec sa jauge de 40 sièges, une régie à vue, et des coulisses qui se laissent deviner derrière un rideau noir tenu par quatre épingles, voilà l’espace le plus neutre qui soit. C’est dans ce cocon presque vide que la magie opère….

 

Dans un décor minimaliste, je pourrai dire ascétique tant il fait écho au corps gracile, presque juvénile de l’actrice dans sa robe de soirée, Corinne Menant nous donne à entendre des bribes de l’histoire de cette femme qui se présente à nous fragile dans l’offrande de sa solitude, ébahie devant un monde qui de toute évidence lui échappe.

Seule sur le plateau, ses grands yeux bleus, comme ces oiseaux de nuit qui tentent de saisir une ombre dans la forêt obscure, sont vigilants, rapides, mobiles, patients. Sur scène, un drôle d’objet mi-cage, mi-structure mobile, une sorte de passoire qui ne retient rien et cache sans cacher, car tout reste visible derrière le large quadrillage des lanières de rotin. Le monologue tourne autour de la figure incarnée d’une mère dont l’absence omniprésente fonctionne comme une bouée au milieu de l’océan, des bouts d’une mémoire éclatée tentent de s’y accrocher, en vain. C’est à cet effort de faire sens, dans l’impossible de donner une forme à ce puzzle éparpillé que l’actrice nous convie. Le récit échappe. Et c’est le miracle du théâtre et le talent de l’artiste, de nous faire croire que nous sommes face à un spectacle auto-biographique. Il n’en est rien. L’écriture de Maria Stella Milani, qui signe aussi la mise en scène, est une commande. Le texte est à la fois direct, compact, et poétique. De cette poésie qui ne se la joue pas évanescente, mais évidente, quotidienne, sans détour presque banale. De celle qui fait entendre nos brisures, et nos douleurs sous-terraines.

Je garde une étrange sensation de légèreté, forme inachevée, quand l’indicible se tait qui pourtant tente de se dire. L’impression d’une obscurité profonde à la recherche d’un chemin vers la lumière. Et pourtant, la lumière est là. Il manque bien quelque chose. Mais quoi ? La question reste ouverte. J’ai été touchée de voir le plateau du théâtre se prêter à cet exercice périlleux de la mise à nu du dévoilement psychique dans cette proximité physique de nos présences de spectateurs, comme si l’on pouvait réduire l’écart que nos altérités produit, nous séparant les uns des autres. Et je dois dire que l’opération fonctionne car je suis repartie avec beaucoup de questions !

´Samedi soir il ne manquait que toi´est en recherche de production. Vous pourrez le voir à l’espace ALYA, en entrée libre, dans le cadre des Plateaux Ouverts, le 14 juillet à 13 h 45,  rue Guillaume Puy à Avignon.

Madeleine Esther

 

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