Quand on dort on a pas faim

Note 3 étoiles

Spectacle d’Anthony Martine (Compagnie Le Cri), vu le 4 octobre 2025 au Théâtre 13 (75), dans le cadre de la 18e édition du Festival Jerk Off

  • Écriture, mise en scène et jeu : Anthony Martine
  • Type de public : Tout public
  • Genre : Théâtre contemporain
  • Durée : 01h15

 

Anthony Martine s’empare des codes du conte médiéval pour raconter l’histoire de son passage de l’adolescence à l’âge adulte : celle d’un jeune afro-queer en quête identitaire, condamné à jouer le rôle du bouffon du roi, au royaume blanc et hétéronormé.

Son arrivée, à l’âge de 17 ans, en classe préparatoire dans un des lycées les plus prestigieux de France, Anthony le vit comme la promesse d’une ascension sociale. Pourtant, son père le prévient : tu ne seras jamais l’un des leurs. Anthony refuse d’entendre, il va « venger sa race », comme l’écrit Annie Ernaux. Cherchant à s’intégrer à tout prix, il découvre à quoi l’élite ressemble : des étudiants blancs, issus de familles bourgeoises, pas si loin de la noblesse d’antan. Du haut de la tour d’ivoire, bricolée par une scénographie de tissus et de paillettes, Anthony nous raconte ses 17 années de rêves : de Shrek à Fanny Ardant, son imaginaire est façonné par le regard d’un homme hétérosexuel blanc. En France hexagonale, pas de personnages noirs et queers au rang d’icônes.

Mais l’arrivée dans ce royaume, et a fortiori, à Paris, lui ouvre progressivement les yeux sur sa condition : celle d’un homme noir et gay confronté à un racisme systémique et à des humiliations quotidiennes. Lorsqu’il parvient à quitter la salle de classe, nous le suivons dans ses premiers pas, en boîte de nuit, sur les applications de rencontres, où là aussi il est confronté à la violence de la fétichisation.

C’est grâce à des rencontres marquantes, et notamment par le rapprochement avec sa sœur, Mérèndys Martine, présente tout du long à ses côtés, au plateau, qu’Anthony reconnecte avec ses désirs. Il se pose la question, qui résonne dans toute la salle : cela en vaut-il la peine ? Fini de jouer les bouffons du roi. Anthony crée son cabaret : dans de magnifiques costumes créés par sa sœur, il chante, danse et rend hommage aux artistes qui l’ont marqué.

Le spectacle, protéiforme et jubilatoire, se termine par la lecture d’un conte, celui d’un monde où les hommes blancs reposent sous un soleil dont les hommes noirs s’occupent, chaque jour, depuis des millénaires. Anthony Martine nous touche en plein cœur, nous parle d’espoir, d’invention de soi, d’amour et de droit au répit.

 

Anne-Charlotte Mesnier

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