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Portrait de famille

Note 3 étoiles

 Un spectacle produit par la Compagnie Italienne avec Orchestre (75) et vu au Théâtre du Rond-Point  le 21 juin 2025. 

  • Texte et mise en scène : Jean-François Sivadier
  • Collaboration artistique : Rachid Zanouda et une partie de la promotion 23 du CNSAD-PSL
  • Comédiens : une partie de la promotion 23 du CNSAD-PSL
  • Cindy Almeida de Brito, Walid Caïd, Elena El Ghaoui, Rodolphe Fichera, Mohamed Guerbi, Olek Guillaume, Marine Gramond, Olivia Jubin, Sébastien Lefebvre, Manon Leguay, Arthur Louis-Calixte, Aristote Luyindula, Alexandre Patlajean, Marcel Yildiz
  • Scénographie : Etudiants en 4° année à l’école des Arts Décoratifs de Paris : Xavi Ambroise, Martin Huot, Violette Rivière
  • Lumières : Jean-Jacques Beaudoin
  • Régie générale et régie son : Jean-Louis Imbert
  • Genre : Théâtre
  • Public : Tout public
  • Durée : 3h50 dont 20 minutes d’entracte.

 

Depuis l’impérissable « Italienne, scène et orchestre », je ne manque plus un spectacle de Sivadier. « Portrait de famille » a comblé toutes mes attentes.

 

« Portrait de famille »se déroule en deux parties. La seconde est un peu plus faible et ne m’apparaît strictement nécessaire. C’est ma seule réserve. « Portrait de famille » ne raconte pas l’histoire de n’importe quelle famille, mais celle des Atrides depuis le crime originel d’Atrée, innommable, jusqu’au matricide d’Oreste. Sivadier ne se contente pas de piocher dans les différents auteurs du répertoire depuis Euripide jusqu’à Racine en passant par Sophocle ; il écrit une variation du mythe pour mieux questionner notre monde contemporain et la place du  théâtre.

La pièce ainsi conçue par Sivadier est un mélange des genres dans toutes les acceptions du terme.

D’un point théâtral, Sivadier convoque tous les registres : tragédie, comédie, seul en scène, féérie, music hall, intermèdes Shakespearien ou déclamation façon « illustre théâtre ». Le verbe n’est pas en reste entre citations des grands auteurs, calembours, contrepèteries et références à la pop.culture. Le mélange des genres c’est aussi le travestissement des comédiens ;  les jeunes femmes pouvant  jouer des rôles d’hommes et réciproquement. Le mélange des genres, c’est enfin une troupe à la diversité rassérénante en cette période fascisante.

Tous ces jeunes gens, légèrement sonorisés,  sont remarquables pour ne pas dire virtuoses. Ils incarnent tous un héros et au moins deux autres personnages. Dans chacun des rôles qu’ils endossent, ils parviennent à donner une réelle crédibilité et une émotion poignante à leur personnage.

La direction d’acteurs est centrale chez Sivadier et c’est pourquoi le décor est réduit à sa plus simple expression. Le plateau, quasi nu, est jonché d’un mélange de cendres (plastiques) et de paillettes ; le luxe confinant à la luxure la plus abjecte. Les allemandes opèrent selon un contraste analogue. En fond de scène, une alcôve dessine la chambre interdite, celle-là même où les Atrides se trucident de génération en génération… jusqu’à la nôtre.

Nous ne sommes pas les Atrides, bien sûr, mais nous en partageons l’humaine condition. Fidèle à l’essence même du théâtre grec, Sivadier se plaît à mélanger les époques et à faire du public une agora à même de juger les sophistes d’avant et les va-t’en guerre d’aujourd’hui. Il donne place aux femmes, à Clytemnestre en particulier,  qui dans une adresse à son mari dénonce avec véhémence ces hommes « obsédé de gloire ». Hier comme aujourd’hui, l’impuissance à empêcher le pire prédomine mais qu’il est bon d’entendre ce plaidoyer pour la paix et la vraie démocratie.

« Portrait de famille » est un spectacle d’une grande intelligence. Tout n’est que mise en abyme et anachronismes pour faire parler l’universalité du mythe. Servi par de jeunes comédiens brillants, le théâtre retrouve, avec Sivadier, sa fonction originelle et c’est salvateur.

 

Catherine Wolff

 

 

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