Un spectacle produit par Boulegue Production (13), vu le 10 juillet 2025 à la Fabrik Théâtre à 16h05 dans le cadre du Festival OFF d’Avignon 2025.
- Auteur : Michael Morpurgo
- Comédiens : Christine Gaya, Martin Kamoun, Caroline Ruiz, Christian Fromentin
- Mise en scène : Louis Kamoun
- Type de public : Tout public
- Genre : Théâtre contemporain
- Durée : 1h10
Tout commence par une interview qui n’aurait pas dû avoir lieu. Une journaliste inexpérimentée, une consigne brisée, une question posée par erreur. Et cette phrase, qui tombe comme une corde qui lâche : « Le secret, c’est un autre nom pour le mensonge. » Paolo Levi, le plus grand violoniste du monde, ne joue jamais Mozart. Personne ne sait pourquoi. Et pourtant, ce soir, il va parler.
J’ai été pris par surprise, emporté par cette confidence à voix basse. Paolo remonte le fil de sa vie. Son enfance à Venise. L’arrivée de Benjamin, un vieux violoniste discret, qui lui transmet l’amour du son, la discipline de l’archet. Ce que je pensais être une belle histoire d’initiation devient tout autre chose. Quand ses parents découvrent qui est Benjamin, ils tombent dans ses bras. Un ami d’un autre temps. Un passé lourd. Une mémoire qui revient comme un éclat de musique qu’on croyait perdu.
Peu à peu, je comprends. Dans un camp, à Auschwitz, la musique servait à tromper. Les nazis exigeaient qu’on joue Mozart pour accueillir les déportés, pour adoucir l’horreur. Paolo est le fils de survivants. Le père de Benjamin a joué pour les bourreaux. Ne pas jouer Mozart, c’est refuser l’effacement, le silence imposé. Le poids du secret devient un acte, un refus, une fidélité.
Le récit est sensible, jamais appuyé. La mise en scène l’accompagne sans l’alourdir : un plateau quasi nu, un écran 2D en fond, où défilent des dessins en noir et blanc, esquisses de rues, de visages, d’ombres. J’ai eu le sentiment de me promener dans Venise avec l’archet de Benjamin comme guide. L’écran donne une verticalité discrète, mais efficace. Par moments, je perdais pied. Une sensation de vertige musical, comme si la mémoire devenait une portée sans fin.
J’ai aimé cette manière pudique de raconter une mémoire difficile, par le détour de la musique. Le personnage de Paolo, connu pour sa froideur, devient peu à peu poreux. On entre en lui, au-delà de sa virtuosité. Je recommande ce spectacle pour sa simplicité, sa douceur, sa force aussi. Il conviendrait aussi bien à un théâtre scolaire qu’à un lieu de mémoire. Parce que parfois, ne pas jouer Mozart est plus puissant que le plus grand des concerts.
Loïs BELLES