Spectacle de la Cie Les Exaltées (38) vu le 7 juillet à 16 h au théâtre Lila’s, dans le cadre du festival Off 2025, sauf mercredi

• Auteur et interprète Emilie Alfieri
• Mise en scène Sébastien Mortamet
• Genre : Seule en scène
• Durée : 1h10
• Type de public : Tout public à partir de 14 ans

Évidemment, le titre qui n’en finit plus et qu’il faut relire à plusieurs reprises pour comprendre, ne peut que susciter la curiosité !  Et si l’on prend en compte la démarche du théâtre des Lila’s de proposer une programmation centrée sur les femmes, et de présenter tous les spectacles  de manière égalitaire sur de belles affiches fond violet, écriture blanche, photo, ce sont autant de bonnes raisons d’aller faire un tour dans ce théâtre.

Émilie Alfieri propose une réflexion sur les enjeux de la transmission intergénérationnelle et le poids de l’héritage familial à travers trois portraits de femme  d’une même famille sur trois générations.

Nous faisons dès l’entrée connaissance avec la première génération, descendante d’une société patriarcale, au sein de laquelle la femme doit rester à sa place et n’est reconnue qu’en tant que mère (de garçons !). Ainsi, le cri vient du cœur dès la mise au monde « Il y a erreur, j’attendais un garçon ! … Je suis déçue ».  Habillée de noir, cheveux tirés en chignon en bas du cou, droite sur sa chaise, la mère invective avec un rire presque sarcastique le docteur qui, clairement, s’est trompé. S’il pouvait « la » changer pour un garçon, ce serait parfait !  Non ? Il va falloir faire avec…

Et cet enfant va porter toute sa vie le poids de ce déni. En déficit d’affection, dénigrée et rabrouée en permanence, elle deviendra à son tour une mère (d’une fille, encore !) qui doute, ne sait pas faire, n’a pas été préparée à la maternité et sera violente avec son enfant. Sa propre fille refusera très longtemps d’avoir des enfants, se montrant agressive même avec ses amies qui en ont. Puis cela finira par arriver, et elle fera tout son possible pour ne pas se comporter comme sa propre mère.…

Émilie Alfieri interprète brillamment ces trois portraits de femmes, s’appuyant sur un texte ciselé, rempli de mots durs, grinçants, mais aussi de beaucoup d’humour. Son visage et ses yeux surtout, immenses, très expressifs, sa gestuelle précise, millimétrée même, véhiculent toutes les émotions. Le jeu est sublimé par un travail de la lumière savamment dosé, dans un décor réduit au minimum, une table, deux chaises.

Un pendrillon occupe le fond de scène, derrière lequel au fil du spectacle, Émilie se dépouille des vêtements de la génération précédente, pour arriver à la fin à la fille décontractée, libérée, non conformiste, qui veut vivre à fond, sans l’entrave que représente un enfant.

C’est une bien belle découverte que cette jeune autrice et interprète de talent, qui nous amène en tant que femme à nous interroger sur le déterminisme lié à notre sexe. Comment y faire face, l’accepter car rien de changera, ce sont les femmes qui continueront à enfanter ? Comment élever nos propres filles et les éduquer à leurs choix personnels en toute liberté ?  Bref et plus largement,  tous les enjeux de l’éducation et de la transmission…

Cathy DE TOLEDO