Un spectacle de la Compagnie Lieux-dits (75), vu aux Bouffes du Nord (75) le 27 septembre 2025.
- Conception et écriture : David Geselson
- Comédiens.nes : Servane Ducorps et David Geselson
- Scénographie : Lisa Navarro
- Musiciens : Jérémie Arcache, Sebastien Forrester, Myrtille Hetzel
- Genre : théâtre
- Public : Adulte
- Durée : 1 H
C’est bien la première fois que je me retrouve, à Paris, en rythme de festivalière. Il faut dire que pour voir le « Chœur des amants » de Tiago Rodrigues, complet, l’agence de presse ne pouvait que me proposer cette solution : « Le Chœur des amants », oui mais avec en première partie «Lettres non-écrites» de et par David Geselson. Quelle aubaine : je n’avais pas pu voir ce spectacle l’an passé et c’eut été dommage de passer une nouvelle fois à côté.
D’entrée de jeu, David Geselson nous présente la genèse de ce projet en perpétuelle évolution. Il s’agit au fil des tournées de proposer aux spectateurs de leur écrire une lettre, de celle qu’ils n’ont jamais pu ou oser écrire. Avec leur accord, la lettre sera interprétée sur scène. Depuis 2016, David Geselson a invité d’autres auteurs à jouer aux écrivains publics. Chaque représentation est une sorte de précipité de l’ensemble ; requérants, écrivains et lieu d’écriture.
Ce soir, quatorze lettres ont été lues : des lettres d’amour, le plus souvent légères et drôles ; des lettres qui voudraient lever des secrets de familles terrifiants ; des lettres de mise au point vengeresses à destination d’un aïeul ; des lettres pour rompre des cycles familiaux et des malédictions, des lettres de simples remerciements.
Ils sont cinq sur scène. David Geselson et Servane Ducorps lisent alternativement les missives qui semblent surgir de façon aléatoire de l’imprimante qui trône au centre de la scène. Ils y mettent la juste émotion, que ce soit dans le rire, le tragique ou la colère trop longtemps contenue. Comme intermèdes mais aussi comme support, trois musiciens (violoncelle et percussions) accompagnent les mots et soulignent les maux quand ils n’improvisent pas un chant choral désopilant sur une des lettres de remerciements.
Le dispositif scénique est à l’avenant de l’ensemble, simple et signifiant : à jardin, une table avec un ordinateur derrière lesquels le comédien, qui ne joue pas, regarde avec une acuité complice et bienveillante son comparse en pleine action ; à cour, les musiciens ; en guise d’allemande, des lettres rassemblées et pour définir l’espace de jeu, des lampes en demi-cercle. Les voix sont naturelles ; le jeu est fin et précis.
« Lettres non-écrites » est une entreprise collaborative, citoyenne, authentique et tout simplement belle. Le spectacle fait entendre l’intimité dans ce qu’elle peut avoir de sublime ou de tragique. D’autres soirées, perlées, sont prévues au cours de la saison. Nul doute que j’y retournerai.
Catherine Wolff