Lecture musicale, L’Eclat d’une passion, correspondance Camus Casarès

Note 3 étoiles

Spectacle de la Compagnie Triptyk Théâtre (30), vu le 27 septembre à 19 h 30 au Musée Campredon à l’Isle-sur-la-Sorgue (84), dans le cadre du festival « Trace de poète ».

  • Lectrice : Jennifer Cafacci
  • Lecteur : Claude Attia
  • Musique : Guitare, composition interprétation : Franck Passelaigue
  • Public : Adulte
  • Genre : Lecture/performance
  • Durée : 1 h 15

 

La belle ville de L’Isle-sur-la-Sorgue (84) accueillait pour la 13ième année le festival « Trace de poète ». Au détour d’une ruelle, sur la placette devant le Musée Campredon, une trentaine de spectateurs et spectatrices s’étaient regroupé-e-s le soir tombant et déjà frais, pour écouter la lecture musicale. Un moment hors du temps.

La lecture musicale s’adresse autant à l’oreille qu’aux yeux. Par les quelques lettres choisies dans la correspondance de deux grandes personnalités du XXème siècle, Albert Camus, écrivain, et Maria Casarès, actrice, nous entrons dans leur intimité, « comme par effraction » écrit Jennifer Cafacci, comédienne et lectrice à l’initiative du projet.

L’amour, le désir, l’attraction des corps et des cœurs dans l’absence et l’éloignement emplissent chaque page, chaque mot.

Car ces deux êtres s’aiment. Eux qui ont en partage l’exil d’une terre natale et chérie. L’un venu d’Algérie, l’autre d’Espagne.

Je n’avais pas perçu avec autant de force quelle femme indépendante était Maria Casarès. Je la connaissais mélancolique et malheureuse en amour dans « Les Enfants du paradis » de Marcel Carné, ou fatale, sombre et maléfique dans le film de Cocteau « Le Testament d’Orphée » où elle joue la mort. Ici, rien de tel. Sa libre pensée, son penchant pour le rêve, et son amour de la mer, d’une sensualité frémissante, m’ont impressionnée. Comme cette lettre où elle évoque sa lutte contre les vagues de l’océan qui tentent de l’emporter dans leurs courants souterrains, la laissant épuisée, vaincue, blessée, écorchée, humiliée sur le rivage, mais heureuse. Des mots simples et une spontanéité de ton où elle parle de cette joute physique, sensuelle, sauvage, qui la relie aux éléments.

Pour Camus, Prix Nobel de littérature en 1957, c’est un homme amoureux, attentif, qui écrit. Un homme qui appelle celle qu’il aime, qui se languit d’elle, et dit son amour sans détours. Fragile, doux et vulnérable.

Il est aussi question de théâtre, cette passion qu’ils avaient en commun. La lettre où Camus raconte un voyage éclair à Londres, où se monte une de ses pièces, est très drôle.

J’ai ainsi découvert des facettes plus subtiles et inédites de ces deux figures très médiatiques. Et c’est une surprise bien savoureuse.

Les deux lecteurs et lectrice, Jennifer Cafacci et Claude Attia ont trouvé le ton juste pour nous faire entendre ces deux voix. C’est élégant, simple, sans emphase, malicieux, et enjoué. Tout à la fois incarné, mais pas trop, joué mais pas trop. Un bel équilibre qui nous emporte dans leurs élans complices. Évitant tout voyeurisme.

Par moment, il m’a semblé même entendre la voix d’Albert Camus, et voir devant moi Maria Casarès. Troublantes hallucinations.

Le plateau est magnifiquement sobre, deux micros, des guitares, trois pupitres. Des artistes dans la lumière. Et c’est tout.

La musique est fortement présente. Franck Passelaigue et ses guitares nous offrent une composition très originale, souvent inspirée. Pas d’illustration, mais un paysage sonore sur lequel on voyage comme une barque sur un fleuve, et qui se mêle délicatement à la voix de chaque comédien. Parfois même la submergeant.

Le charme de ce spectacle/performance opère, et il est déjà question qu’il soit programmé lors du prochain Festival d’Avignon. Si c’est le cas, surtout ne le manquez pas ! C’est une véritable oasis !

 

Madeleine Esther

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