Spectacle de la compagnie des Asphodèles du Colibri, Lyon (69), vu le 21 juillet à 19 h 10 au Petit Louvre dans le cadre du festival d’Avignon 2025.
- Auteur : d’après le roman de Boualem Sansal
- Mise en scène : Luca Franceschi
- Interprétation : Samuel Camus, Louise Daly, Yan Ducruet, Nicolas Moisy, Valérian Moutawe, Alexandra Nicolaidis
- Direction artistique : Thierry Auzer
- Genre : Théâtre contemporain
- Durée : 1 h 25
- Public : à partir de 14 ans
La pièce est une adaptation du roman éponyme de Boualem Sansal pour les 7 comédiens de la compagnie des Asphodèles du Colibri. Leur formation à la comédia dell arte impulse à ce spectacle une vitalité et une qualité de jeu remarquables.
La pièce nous raconte l’histoire de deux frères nés dans un village d’Algérie d’une mère algérienne et d’un père allemand. Dès leur jeune âge, ils sont envoyés en France vivre avec un oncle et une tante, installés dans une banlieue parisienne. Là chacun va suivre une route différente. L’aîné va réussir ses études et avoir une place confortable dans une société, le cadet, va trainer ses baskets avec les jeunes de la cité sans savoir quoi faire de sa vie.
Le suicide du frère ainé, Rachel, (contraction de Rachid et Helmut), retrouvé mort dans un garage va mettre Malrich (contraction de Maleck et Ulrich) en mouvement. Un commissaire de quartier lui remet le journal intime de ce frère devenu pour lui un étranger. Là, il va découvrir des secrets de famille inouïs, terribles. Il va retracer la quête de vérité de ce frère dont la seule issue fut ce geste de désespoir, en apparence incompréhensible.
La rapidité des transformations sur le plateau nous transporte d’un lieu à l’autre avec une rapidité sidérante ! Les métamorphoses des acteurs et actrices, parfois à peine reconnaissables, sont impressionnantes. La structure narrative du récit nous amène en Allemagne, en Turquie, en Egypte, dans les quartiers des banlieues, à l’intérieur d’un pavillon de banlieue, dans un cimetière. Le récit est vif, des courtes séquences, presque des flashs, des instantanés, percutants, sensibles, parfois drôles se font à vue, comme chorégraphiés sans que jamais le récit ne perde son fil. Nous suivons l’histoire de ces deux frères avec un intérêt qui ne faiblit pas. En effet, les questions posées par ce récit sont particulièrement pertinentes et touchent toutes les générations d’après-guerre, jusqu’à aujourd’hui.
Quel lien entre la shoah, les SS, le Groupe Islamique Armé (dit GIA) en Algérie dans les années 90, et la crise sociale des banlieues en France ? De qui sommes-nous les enfants ? Sommes-nous responsables des actes de nos parents ? De quelle mémoire sommes-nous porteurs ? Comment s’en débrouiller, et vivre avec ?
J’en suis sortie un peu sonnée, mais carrément admirative de tant d’énergie et de savoir-faire ! Les applaudissements chaleureux, puissants, du public me font dire qu’ils nous avaient bien embarqués avec eux et que les questions posées concernent chacun d’entre nous.
Bravo !
Madeleine Esther