Spectacle de la compagnie Les Deraïdenz (84), vu le vendredi 11 juillet au Théâtre du Train Bleu / Pôle Jean Ferrat à 10h20, dans le cadre du festival off d’Avignon.
- Dramaturgie, Conception, Mise en scène : Baptiste Zsilina
- En collaboration avec Léa Guillec
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Création lumière : Loris Lallouette
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Manipulation marionnette : Coline Agard, Hanna Malhas, Marion Piro, Léa Guillec
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Machinerie : Eglantine Remblier, Luce Causin, Nicolas Pautrat
- Durée : 2h30 (trajet navette inclus)
- Type de public : A partir de 14 ans
- Genre : Conte contemplatif, marionnettes à fils
Un trajet en bus ou l’on passe le Rhône direction le Pôle Jean Ferrat dans le Gard. Une grande et belle salle nous accueille, à l’entrée on nous remet des jumelles pour pouvoir voir les détails.
Baptiste, le concepteur de cette dramaturgie nous accueille sur scène, il nous invite à voir la représentation comme un film et nous laisser porter par l’histoire de Pierre, un cœur simple, léger et lourd.
Si la salle est grande, le rideau se lève et un castelet de bois massif imposant apparaît sur ce plateau . Il cache sa nature technique : machinerie, rails et structures d’acier et par derrière la grande maison de manipulation ou sont les marionnettistes.
L’écran de scène du castelet est petit : cette fenêtre au cœur du bois sculptée est une entrée délicate vers l’image offerte. Elle permet une plongée dans l’imagerie du film d’animation, du conte, hors du temps. Premier tableau : Pierre nous apparait, il marche seul en campagne, il neige.
S’en suivront une dizaine de tableaux magnifiques de personnages divers : un homme qui laisse Pierre dans le froid, puis la femme, apparait alors la famille et on le fait entrer dans la maison au coin du feu. Puis à l’approche d’un village ou va avoir lieu la fête, des femmes rient en travaillant, se moquent-elles ? Pierre semble bien seul.
La compagnie Deraïdenz est attachée à la création totale : composition des marionnettes, écriture, musique, décors, scénographie. C’est le travail d’une équipe qui propose un univers dont le mouvement vibre ; il est le reflet de la convergence de la connaissance de chacun et de l’affect que chacun, chacune a mis autour de cette réalisation.
Une marionnette de Pierre petite, une moyenne dans les premiers tableaux puis un buste de Pierre son visage, son expression, son regard.
Extérieur au castelet, des apparitions horrifiques : “Brèches noires” sur l’avant-scène. Le spectateur s’interroge : hallucinations de Pierre, visions, cauchemars, délires ?
Pierre est bien seul, l’être humain n’est-t-il point bien seul ? Ambiance mélancolique entre espoir et non espoir : chercher à aller vers un état d’âme universel.
Les médias si nombreux à décrire l’inhumanité en vain ! Ici, à l’endroit du théâtre magique, un vernis nostalgique. Le désespoir de Pierre, désespoir à la fois éternel, ancien et terriblement actuel. Jusqu’où pourra se décliner l’inhumanité de l’humanité ?
Le spectacle s’achève, il est sanglant, violent.
La cruauté de la scène frontale qui clôture ce spectacle n’est point gratuite mais explicite à alerter sur les dérives inexorables de notre humanité, sur la façon dont l’état du monde peut affecter de façon sourde, invisible, insidieuse des êtres simples, purs, sensibles.
Baptiste Zsilina donne vie à ce petit théâtre d’horreur avec bravoure et subtilité. Objet rare et magnifique, on en sort secoué mais admiratif devant la prouesse du travail collectif et l’ingéniosité que nécessite une telle création.
Un vrai travail de troupe, artisanal a cœur ouvert. Un grand merci à toutes et à tous pour ce chef d’œuvre !
Gisèle Lydie Brogi