Spectacle de la compagnie Le Grenier de Babouchka (92), vu le 13/07/2025 à 14h40, au théâtre des Gémeaux, dans le cadre du Festival Off d’Avignon 2025, du 5 au 26 juillet, relâche les mercredis.
- Auteurs : Julien Delpech et Alexandre Foulon
- Mise en scène : Charlotte Matzneff
- Comédien.e.s : Vanessa Cailhol ou Marina Pangos, Éric Chantelauze, Elodie Colin, Thierry Pietra, Thibault Pinson, Mehdi Bourayou
- Musique : Mehdi Bourayou
- Décor et scénographie : Antoine Milian
- Costumes : Corinne Rossi
- Lumières : Moïse Hill
- Type de public : Tout public à partir de 10 ans
- Genre : Théâtre contemporain
- Durée : 1h30
La rencontre entre Joseph Kessel, aviateur, journaliste et auteur à succès, et Germaine Sablon, actrice et chanteuse de renom dans les années 1930-40, à une époque où l’arrivée de la seconde guerre mondiale va bousculer toutes les vies, même les plus passionnées.
J’ai entendu parler de la pièce avec les références de la compagnie qui a déjà une certaine notoriété. Il se trouve que j’apprécie beaucoup les lectures de Kessel. Et dès les premières minutes je me suis retrouvé dans l’ambiance des années 30, chaleureuse, romantique. L’atmosphère des cabarets envoûtants, le milieu des écrivains et des poètes dont émane ce désir de qualité intellectuelle. Ce charme rétro m’a rendu nostalgique d’une époque que je n’ai pas connue, je m’y suis plongée avec délice.
Joseph semble être un homme passionné et Katia, sa compagne, le sait bien. Et l’accepte visiblement. C’est même elle qui le met dans les bras de Germaine pour laquelle il est en admiration. Ils sont célèbres, ils sont brillants, ils sont passionnés. Leur histoire va durer plusieurs années dans la période avant-guerre, mais le destin les réunira de nouveau plusieurs années après, sur la création du Chant des Partisans en 1943. Maurice Druon, le neveu de Kessel, complète le trio de renom à qui l’on doit cet hymne. Maurice et son oncle sont proches, on les sent complices et plein d’estime l’un pour l’autre. Kessel l’aurait-il considéré comme son propre fils ? Son frère Lazare s’étant suicidé très jeune, l’enfant n’était alors qu’un nourrisson. Les événements de cette décennie que l’on connait que trop bien se succèdent. Kessel se voit interdit de publier à cause de ses origines, cette violence l’affecte particulièrement, il se sent inutile, rejoint la Résistance. De son côté, Germaine étant une figure publique, se doit de chanter pour les Allemands, cette nouvelle est amère pour Joseph. A la manière des grands artistes passionnés et brillants, il est aussi un grand fragile à fleur de peau qui peut sombrer, l’addiction passe dans sa vie comme une bouée de sauvetage. Mais l’autre aspect tout aussi puissant, cet homme charismatique est entouré de personnalités fortes tant dans sa vie artistique que dans le réseau de résistants.
La scène est composée de plusieurs niveaux de déambulation qui permettent d’illustrer les différentes ambiances de l’histoire, les différents lieux de vie. Scène de cabaret, restaurant, cabine de pilotage d’un avion, compartiment de train… Au-delà du plateau principal, en fond de scène, une estrade surélevée offre aux comédiens de passer de cour à jardin, et donne du relief à la mise en scène. Deux cabines de part et d’autre du plateau, l’une permettant de figurer certains moments clés de l’histoire, et l’autre investie par Mehdi Bourayou, tout à la fois musicien, comédien, concepteur son, bruiteur… le tout en live. Son rôle, ses performances très présentes, apportent de l’ampleur à cette pièce magistralement interprétée par l’ensemble des comédiens. Eric Chantelauze en Joseph Kessel charismatique forme un duo éblouissant avec la talentueuse Marina Pangos, magnifique Germaine Sablon.
J’ai passé un grand moment de théâtre, puissant et intelligent, à la mise en scène remarquable.
Rachel Ferrier Savarin