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Hécube, pas Hécube

Note 3 étoiles

Un spectacle produit par la Comédie Française (75) et vu à la Comédie Française le 2 juin 2025.

  • Texte et mise en scène : Tiago Rodrigues
  • Comédiens.nes : Eric Génovèse, Denis Podalydès, Elsa Lepoivre, Loïc Corbery, Gaël Kamilindi, Elissa Alloula, Séphora Pondi
  • Scénographie : Fernando Ribeiro
  • Costumes : José António Tente
  • Lumière : Rui Monteiro
  • Son : Pedro Costa
  • Genre : Théâtre
  • Public : Adulte
  • Durée : 2H

 

Des lustres que je n’étais pas allée aux Français. Mais que ne ferai-je pas pour aller voir les spectacles de Tiago Rodrigues. Non seulement Vivantmag, en ma petite personne, a été très bien accueillie mais en plus, le spectacle méritait amplement mon audace.

 

Tiago Rodrigues aime à revisiter des textes anthologiques par la mise en abyme. Dans « Hécube, pas Hécube », ce n’est plus une mise en abyme, c’est un « labyrinthe » d’histoires enchevêtrées. Nous assistons d’abord aux répétitions de l’Hécube d’Euripide pour une générale à venir. Mais au lieu de se cantonner à ce premier tiroir, Tiago Rodrigues en ouvre un second. En effet, l’histoire d’Hécube entre en étrange résonnance avec le vécu de la comédienne principale, Nadia : son fils Otis, en l’honneur d’Otis Redding dont nous entendons à maintes reprises le répertoire, est autiste. Pris en charge au foyer de la rue de la paix, Nadia découvre la maltraitance dont lui et les autres enfants sont victimes. Nadia, telle Hécube, est une mère dévastée par la culpabilité d’avoir confié son enfant pour le mettre à l’abri et qui découvre que le remède est pire que le mal. Telle « la chienne au regard enflammé », elle va, en guise d’Agamemnon, s’appuyer sur un procureur pour faire condamner la violence systémique qui s’exerce contre les enfants en situation de handicap.

Les deux textes, l’antique et le contemporain se répondent à merveille. Les transitions d’un espace-temps à un autre sont d’une fluidité remarquable. Les changements de registre à brûle-pourpoint, du comique au tragique en passant par la satire, révèlent l’excellence des sept comédiens sonorisés. Tous pensionnaires et sociétaires de la troupe de la Comédie Française, ils éblouissent par leur capacité à changer non seulement de ton mais à endosser plusieurs personnages diamétralement opposés et pourtant parfaitement incarnés. Comme toujours chez Tiago Rodrigues, le jeu est mis en exergue dans une mise en scène d’autant plus efficace que le dispositif scénique est léger.

Le décor se réduit, au grand damne de nos acteurs en répétition, à quelques chaises et à des tables d’où l’on joue en frontal. En deuxième plan, à jardin, un drap cache une sculpture monumentale de chienne. Les costumes, dans un camaïeu de gris-noir sont asymétriques et font référence, dans leur coupe, aussi bien à la Grèce antique qu’au monde contemporain des prétoires. Denis Podalydès, a beau dire, par la voix du vieux comédien un peu lourdingue qu’il figure, qu’ « Euripide aurait mérité mieux », tout le dément.

« Hécube, pas Hécube » est un spectacle d’une grande intelligence, admirablement joué et qui questionne à travers le mythe grec, nos sociétés contemporaines. La salle ne s’y est pas trompée et a longuement ovationné.

 

Catherine Wolff

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