Golem

Note 4 étoiles

GOLEM spectacle de la compagnie numéro 8 (75), vu le 11 juillet au théâtre La Factory à 17 h 05, dans le cadre du festival off d’Avignon (du 10 au 13 juillet).

  • Auteurs : création collective
  • Mise en rue : Alexandre Pavlata
  • Assistant à la mise en rue : Fabrice Peineau
  • Interprétation : Carole Fages, Stéfania Brannetti, Maëva Husband, Hélène Risterucci
  • Direction technique : Fabrice Peineau
  • Type de public : Tout public à partir de 3 ans
  • Genre : Art d ela rue, théâtre invisible, clown
  • Durée : 50 min

 

GOLEM c’est du théâtre de rue, de celui qu’on aime, presque invisible, qui nous inquiète et nous fait rêver, de celui qui nous charme et nous met en joie, de celui qui nous dépayse, nous touche le corps et l’âme, de celui dont on ne sort pas indemne.

 

Nous sommes nombreux à les attendre encerclant la petite place. Certains en profitent pour savourer une bonne glace. Il fait chaud. Et soudain, venues d’on ne sait d’où, elles sont là. On repère tout de suite que ce sont des femmes. Elles sont fines, de l’élégance dans le mouvement, comme passée à la poussière d’une époque révolue, comme sorties des cendres du chaudron du temps, les chaussures vernies, plates, le costume noir et bien coupé. Peut-être musiciennes ? Un vieux quatuor qui aurait perdu ses instruments ? On les connait déjà. Et pourtant elles viennent de si loin. Leurs corps élastiques ondulent sous l’action et le mouvement impulsé par on ne sait qu’elle force qui les poussent à avancer. Elles tanguent sur le bitume. Elles sont faites d’air, d’eau, de vapeur, le regard absolument ouvert sur le monde. L’absorbant, se laissant contaminer par lui, le savourant. Le moindre obstacle, par exemple cette petite marche de trottoir, est thème à réflexion, méditation, complicité, alliance entre elles pour, jamais le contourner, mais l’affronter, le déjouer, l’extirper de son évidence, le réinventer et le sortir de sa banalité.

La géographie urbaine de la rue, mais aussi nos objets familiers, nos sacs, nos éventails, nos lunettes, nos voitures, nos vélos. C’est jubilatoire. Oui, avec elles chaque instant se réinvente. Et c’est drôle.

Brusquement la musique jaillie. Ces quatre magnifiques femmes, créatures hors d’âge, clowns célestes au regard éternel de l’enfance, descendues dans la rue pour nous rendre visite, dansent. Et la terre se met à trembler. Et nous tremblons avec elles. C’est contagieux, insolent, obscène, rageur, violent. Les corps se tordent, se disloquent, sans limite, sans pudeur. Et d’un coup, la musique s’arrête, les laissant hagardes, stupéfaites, vidées, vides. Nous aussi d’avoir assisté à ces volcans d’énergie. Et la déambulation se poursuit.
Ce sont 50 minutes incroyables de beauté, de fragilité et de force, de surprises aussi. La complicité et l’évidence qui les unissent par la main, le pied, un pan de vêtement ou le regard est particulièrement saisissante à percevoir. Troublante aussi car elle nous renvoie à notre propre solitude, nous qui sommes si séparés les uns des autres.

Ce qui est beau, est de sentir doucement le public baisser ses résistances habituelles, et rire, se prêter au jeu, onduler sous la danse, et se surprendre à participer sans effort. C’est un spectacle d’une grande intelligence, d’une profonde poésie.

Je fais une mention particulière à la bande-son. Des morceaux de musique festive traditionnelle des Balkans, reconnaissable à ses flûtes et ses sons de crécelle. Pourtant parmi eux, j’ai cru reconnaître deux morceaux de musique soufie. Cette jonction entre la mystique juive du Golem et la mystique musulmane soufie m’a réjouie le cœur en cette déplorable période de guerre à Gaza. Un clin d’œil à la culture arabe à l’honneur en ce festival d’Avignon 2025 ? Ou peut-être ai-je rêvé….

Golem ne s’est joué que trois jours en Avignon, et déjà on en parlait. Il faut absolument ne pas les manquer si elles passent près de chez vous, ou aller les voir en tournée ! C’est un véritable coup de coeur !

Elles seront du 17 au 20 juillet au festival Châlons dans la rue à Châlons-sur-Saône (71), puis le 8 août au Fest’Art à Libourne (33).

Madeleine Esther

[crédit photo : @kalimba]

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