Affiche du spectacle

Freedom Club

Note 3 étoiles

Spectacle de Nicolas Le Bricquir (75), vu le vendredi 14 novembre au Théâtre Juliette Récamier (Paris) à 19h.

  • Auteur : Nicolas Le Bricquir
  • Avec : Salomé Ayache, Lou Guyot, Ahmed Hammadi-Chassin, Mathis Sonzogni
  • Assistante à la mise en scène : Charlotte Levy
  • Décors/scénographie : Henri Leutner
  • Musique : Emmanuel Jessua
  • Lumières : Thomas Cany
  • Costumière : Claire Schwartz
  • Durée : 1h30
  • Public : à partir de 14 ans (violences physiques et psychologiques)
  • Déconseillé aux personnes sensibles aux flashs lumineux.

 

Dans la magnifique salle du Théâtre Juliette Récamier, les lumières s’éteignent et le spectacle commence. Suspendue au-dessus de la scène, une horloge numérique s’enclenche. Le chrono est lancé en temps réel. Il est 19 h, pour nous les spectateur·ices, comme pour les comédien·nes.

Freedom Club c’est l’histoire d’un groupe de trois amis d’enfance, aujourd’hui adultes et membres influents du monde de la technologie et des médias. En parallèle, ils sont devenus activistes au sein du «Freedom Club», une organisation secrète qui lutte contre les dérives du progrès et de l’ultra-connexion.

On comprend vite que nous sommes le jour de l’attentat lourd de symboles qu’ils ont organisé contre Elon Musk. De passage à Paris pour un évènement aux côtés d’Emmanuel Macron, le personnage le plus éminent de la technologie se retrouve couvert de matière fécale déversée par un drone contrôlé par nos trois protagonistes. Malheureusement, leur action, bien que puissamment relayée par les réseaux sociaux, tourne mal. Un des leurs est tué et ils se retrouvent avec un otage.

Le spectacle commence alors avec l’arrivée de Sonia dans l’entrepôt désaffecté qui leur sert de cachette. L’atmosphère du lieu est sombre et angoissante, à l’image de la représentation toute entière. Le canapé et les chaises sont élimés, les fenêtres sont barricadées, les lumières jaunes semblent fragiles et tous les éléments présents donnent une sensation de «fin du monde». Au sol, une télévision tournée vers la scène diffuse les flashs d’informations caricaturaux — mais d’une justesse grinçante — sur l’attentat symbolique mené par le groupe.

Un par un, les autres personnages font irruption dans l’entrepôt, toujours dans des états d’angoisse et d’imminence, transmis au public par l’intensité remarquable du jeu affûté des comédien·nes. L’horloge tourne, et l’approche de la police — devenue presque un personnage omniscient — se fait ressentir par le rythme de plus en plus effréné de la pièce.

On découvre ensuite un des pivots de cette mise en scène magistrale ; une pièce cachée dans une boîte, une «salle de contrôle», véritable laboratoire technologique dans lequel nos deux personnages principaux travaillent sur une découverte terrifiante, un secret qu’ils prévoient de révéler au grand jour le soir même.

Lorsque les comédien·nes passent d’une «pièce» à l’autre, en sortant par une porte au fond du plateau, la lumière s’éteint et les spectateur·ices sont assaillis de flashs lumineux qui signifient le changement de décor.

Nicolas Le Bricquir joue également habilement avec le temps. Il nous transporte dans des flashbacks qui font avancer l’intrigue et nous permettent de comprendre ce qui se passait dans la pièce où nous n’étions pas.

Ainsi, suivant ces décalages temporels, l’horloge s’affole, se détache du temps dans lequel le public évolue pour reculer et avancer au gré de l’histoire. Le travail sur le rythme et sur les perspectives est très impressionnant, et c’est la plus grande réussite de ce spectacle. Cette distorsion du temps est ce qui permet au public d’être entièrement happé par l’histoire, assis au bord de son siège, les ongles enfoncés dans les accoudoirs, presque hors d’haleine.

L’ambiance sonore, également très impactante, nous transporte entre les extraits musicaux judicieusement choisis et les ajouts oppressants, comme le bruit des hélicoptères qui passent au-dessus de l’entrepôt et les coups de feu presque trop réalistes ; on est sans cesse sollicités par quelque chose. Les spectateur·ices partagent ainsi l’angoisse des personnages, pour le meilleur, et pour le pire.

Freedom Club est un spectacle important, qui permet une réflexion sur le progrès et sur l’impact des nouvelles technologies sur nos vies et sur l’avenir. Il met en lumière les menaces qui pèsent sur notre société numérique, sur la liberté et la responsabilité. Il pose aussi une question cruciale : tous les moyens sont-ils bons pour se défendre?? De petites touches d’humour — bien souvent noir et grinçant — viennent apaiser légèrement cette atmosphère pesante, sans jamais perdre de vue les revendications du texte. C’est un sujet d’une criante actualité, ce qui en fait un mélange entre la dystopie politique et le thriller haletant duquel on ressort secoué.e.s, mais éveillé.e.s.

 

Marceline WEGROWE

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