Spectacle de la compagnie Road Movie Cabaret (47), vu au théâtre de la Condition des Soies, le 17 juillet à 19 h10 dans le cadre du festival d’Avignon 2025.
- Auteur : Manon Chivet et Romuald Borys
- Mise en scène : Romuald Borys
- Interprétation : Romuald Borys, Manon Chivet, Jimmy Daumas.
- Création lumière : Julien Simon
- Arrangement musicaux : Cédric Moulié, Jimmy Daumas, Pierre Chadelle
- Durée : 1 h 20
- Genre : théâtre musical
- Public : tout public à partir de 9 ans.
Voilà une pièce historique qui m’a transportée en Angleterre au début du 20ième siècle, époque où les femmes n’ont quasiment aucun droit. C’est l’histoire des premières féministes, les suffragettes, méprisées, violentées par les hommes au pouvoir. Elles, qui n’ont rien lâché. Jusqu’au prix de leur vie.
Sur scène quelques éléments de décors. Tout se fait avec des pirouettes, et des tours de passe-passe, un châle par-ci, une perruque par-là, et des dizaines de personnages. Les deux comédiens brûlent les planches par leur voix, leur gestuelle et surtout un engagement qui ne faiblit pas pendant 1 h 20.
C’est qu’il y a urgence à raconter et beaucoup à dire… et à chanter ! Quelque chose du théâtre de tréteaux pointe son nez dans ce spectacle jubilatoire quand la voix des comédiens sonne fort et réveille nos consciences ramollies. Ils le font avec humour, émotion et beaucoup de talent. Le geste est sûr, la voix puissante, le rythme des saynètes vif et le propos sans ambigüité.
Nous sommes dans les années 1910. Trois amies, Emily, Norah et Sylvia sont déterminées à être entendues par le parlement britannique pour porter une loi accordant le droit de vote aux femmes. La condition politique et sociale des femmes est déplorable. Elles ne possèdent rien, sont sous la tutelle de leur mari, ne peuvent pas voter, sont infantilisées. Si elles s’instruisent, c’est pour gérer au mieux leur foyer.
Elles n’en peuvent plus ! Devant la surdité, ou le mépris des hommes au pouvoir face à leur revendication, elles vont soulever un mouvement inédit de femmes dont l’ampleur va faire flancher le cours des événements. Mais à quel prix !
Cet épisode, même s’il est connu des mouvements féministes, me semble nécessaire à faire savoir au plus grand nombre. Sans ces pionnières, nos mères et leurs luttes, le droit de vote des femmes, et tout ce qui s’en est suivi comme droits accordés aux femmes au sein de la cité, tout cela serait sans doute resté lettre morte.
Je suis impressionnée par l’énergie, la gouaille, le jeu puissant, généreux, mobile des deux acteur et actrice. C’est un récit historique, intense, bouleversant au service d’un théâtre pédagogique, oui, mais qui dérange et dynamise par sa franchise. Il y a nécessité à raconter l’histoire de ces femmes et à diffuser ce théâtre fort et engagé aujourd’hui. On oublie trop ces luttes qui font notre histoire, et pourtant c’est grâce à elles que nous bénéficions de nos droits actuels. Cet oubli est pernicieux.
C’est aussi une des fonctions du théâtre de raviver les figures inspirantes du passé, de créer les conditions d’un dialogue avec elles, et de les rendre actuelles. Et là, ce théâtre-là est au rendez-vous !
Madeleine Esther