Affiche du spectacle

Cyrano

Note 4 étoiles

Spectacle de la Compagnie Chapitre Treize (IDF), vu le jeudi 10 juillet à La Factory Théâtre de L’Oulle à 21h50 dans le cadre du Festival d’Avignon 2025.

 

  • Texte : Edmond Rostand
  • Mise en scène : Gaspard Baumhauer
  • Avec : Santiago Alvarez, Tatiana André, Ambrine Atmane, Iman Bali, Vince Belvu, Shana Bensimon, Nisrine Berkouki, Thomas Burand-Champion, Léona Cosa, Rémi Couturier, Ryan Daoudi, Sekou Dicko, Amelia Ewu, Gabriel Garnier, Leslie Gruel, James Koum, Maeva Pinto Lopes, Diong-Kéba Tacu, Melo Yssembourg
  • Danse : Wounded
  • Acrobatie : Alex Dey
  • Durée : 2h05
  • Public : Tout Public (à partir de 12 ans)

 

Mon cœur ne vous quitta jamais une seconde. Et je suis et serai jusque dans l’autre monde, celui qui vous aima sans mesure.

               Et si Cyrano avait vécu aujourd’hui ? Et si les Cadets de Gascogne étaient des jeunes de nos rues ? Le Collectif Chapitre 13, emmené par Gaspard Baumhauer et  composé de quinze jeunes comédiens de la banlieue parisienne, se saisit d’un texte mythique pour nous offrir un Cyrano comme vous ne l’avez jamais vu ni entendu.

Sans modifier les mots de l’auteur, ni son idéal qui est de vivre ses valeurs, même si elles vont à l’encontre de la société, les jeunes comédiens et apprentis comédiens de la troupe s’emparent de ces mots et les portent avec ferveur.

Dans un univers urbain et électrique, Cyrano est un rappeur talentueux pour qui les motet les rimes n’ont aucun secret et surtout pour qui  le verbe est une arme, une conscience en éveil. Le spectacle mêle Rap, musique et danse, dans une énergie communicative et libératrice.

A peine entré dans la salle, le spectateur est immédiatement plongé dans une ambiance intense et festive. Les comédiens, enjoués, font des allers-retours dans le public. Ils rient, ils s’apostrophent, ils se préparent pour le spectacle auquel ils vont eux-mêmes assister. Disséminés au milieu du public, assis sur les sièges ils conversent tout à leur aise. Intrigués et ravis d’être aussi prés des comédiens, les spectateurs osent interagir avec eux. Dès lors, un contact se crée une relation très spéciale se noue.

               Sur scène, le décor est imposant, presque intimidant. Des structures mobiles représentent alternativement des immeubles menaçants, ou des appartements apaisants, et parfois même un champ de bataille terrifiant. Ainsi, la ville et ses structures urbaines deviennent un personnage à part entière de la pièce. La cité omniprésente, aussi accueillante que repoussante, se dresse au dessus des comédiens et des spectateurs. Les jeux de lumière permettent une immersion encore plus poussée et on est happé par cette ambiance urbaine si particulière.

               La musique occupe une grande place dans cette version de Cyrano. Cette dimension musicale, déjà présente dans l’œuvre originale, rend parfaitement justice au texte de Rostand, lui-même construit comme une symphonie. Les personnages partagent tous cet amour de la langue, cet amour des mots, avec lesquels ils expriment leurs sentiments en rap tout au long de la représentation. La joie, le plaisir, mais aussi la rage et la passion. Les talentueux comédiens brillent dans cet exercice difficile et impressionnent le public qui, pendu à leurs lèvres, attend la prochaine rime. Quand ils ne rappent pas, ils déclament avec tout autant de talent. Les alexandrins résonnent dans cet univers urbain avec justesse, et adhère avec  tant de facilité à cette énergie créée sur scène.

               Les comédiens, non seulement sont de formidables rappeurs, mais ils savent aussi danser et occuper l’espace. La puissance des chorégraphies de groupe est épatante. Ils bougent tous ensemble au rythme entrainant de la musique et nous offrent de magnifiques tableaux visuels. C’est à travers les mouvements du krump une danse expressive née dans les quartiers. Gaspard Baumhauer dit d’ailleurs à ce propos : « c’est une danse de la libération. Elle exprime bien la tension entre une vie de galère et l’aspiration à la lumière. Pour moi, ça résonnait fort avec l’œuvre ».  Les corps s’expriment, revendiquent leur liberté et leur résistance. La danse devient alors un langage à part entière, hypnotisant, tout aussi fort que les mots. La troupe, composée en grande partie d’artistes urbains d’Île-de-France, déploie sur scène une énergie épatante qui entraîne le public à travers le rire et les larmes pendant toute la durée de la représentation.

               C’est une magnifique relecture de l’oeuvre d’Edmond Rostand que nous offre Gaspard Baumhauer, dans laquelle l’héroïsme et le panache servent de représentation à ces profils que l’on a trop souvent dénigrés. Les jeunes « de la rue », les jeunes « de banlieues », à qui on ne prête généralement pas l’art des mots. Et pourtant.

En choisissant le rap comme nouveau medium pour Cyrano, le Collectif Chapitre 13 donne de la voix à ces artistes, ceux qui « considèrent la rue comme un espace de lutte et de liberté » (Gaspard Baumhauer).

Marceline WEGROWE

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