Chevaleresses

Note 4 étoiles

Spectacle de la compagnie Francine et Joséphine (84), vu le 12 juillet à 10h au Théâtre des Carmes, dans le cadre du festival off d’Avignon.

  • Accompagnement dramaturgique : Faustine Noguès
  • Mise en scène et interprétation : Nolwenn Le Doth
  • Arrangements et composition chœur : Lilia Ruocco
  • Enregistrement bande orchestre : Laurent Péju
  • Chant : Fiona Ait bounou, Chiara davis, Sybille Giard, Valérrie Gonzales, Holly Hinton, Léa Lachat, Mathilde mérigot, Carole Winandy
  • Chorégraphie : Thomas Guerry
  • Création lumière : Juliette Besançon
  • Son : Nicolas Maisse
  • Affiche : photo et conception Cyrielle Voguet et graphisme Mathilde Mérigot
  • Régie : Florian Martinet
  • Genre : Théâtre contemporain
  • Type de public : A partir de 14 ans
  • Durée : 1h15mn

 

Nolwenn apparaît seule sur l’avant-scène dans un cercle de lumière ; fillette elle fait du vélo, on lui ôte les roulettes et Tadig la lâche et ça y est, elle fait seule du vélo. Puis une course avec le grand frère, elle fonce, elle chute.

 

Apparait ensuite derrière un voile, les huit femmes du chœur. Leur chant s’élève dans des registres à même de servir le jeu de l’actrice au fil du spectacle. Grâce à un éclairage ingénieux fait de lumières circulaires de tailles différentes situées au-dessus d’elles cela semble suggérer un ciel étoilé.

L’enfant parle de “bête”, du visage du grand frère, à présent, elle le perçoit différemment. La fillette transcende les faits dans une auto fiction ou elle se vit chevaleresse, sur son cheval Kurum avec son épée, elle fait serment de se battre pour la justice.

Elle évoque son baptême, la galette des rois, de ces moments familiaux festifs, rituels ou Tadig, Mammig (papa, maman en breton), ses grands-parents, ses sœurs, son grand frère sont réunis, en apparence tout est bien, mais pas vraiment. Anniversaire après anniversaire, galette après galette ma force se décuple dit-elle.

Par ses mots, l’intensité de son jeu corporel elle n’a de cesse d’exprimer son mal-être s’évade de ce ressenti violet réalité ainsi que ses escapades à cheval armée de son épée vengeresse.

Des moments de respiration, l’actrice devient animatrice télé sur une musique des années quatre-vingt-dix, d’une émission ” des lettres” ou sortira le mot : Inceste. Puis” des chiffres” et apparaitront les vrais pourcentages de personnes ayant subi un inceste au sein de la population.

Il y aura aussi régulièrement des extraits déchanges téléphonique avec ses sœurs, un avocat, le représentant de la justice ; Ce sera le fil pour suivre l’évolution du suivi de la plainte et mettre en évidence les carences d’un système : main courante disparue, dossier égaré, professionnels manquants de compétences, de coordination, procédures longues et inadaptées.

Durant toute la représentation seule en scène, la comédienne se livre de tout son corps dans un jeu fort et très impressionnant pour le public.

L’enfant qu’elle incarne grandit, arrive la puberté ; Le premier émoi amoureux, des papillons dans le ventre. La jeune fille souffre, pliée dans des contorsions corporelles “syndrome post traumatique”. Elle ne pourra aimer ; Elle est sale n’a pas le droit à aimer.

Nouvel an, musique, danse, boit sur tubes disco ; Elle se réfugie dans l’alcool, la drogue, la baise, perdue. Puis, elle porte plainte.

La comédienne enchaîne s’habille, se rhabille au fil d’un jeu dynamique déployant une énergie impressionnante. L’aboutissement de la plainte s’avère décevant. Les institutions se doivent d’évoluer trop de femmes, d’hommes ont leur enfance, leur vie impactée parfois détruite pour avoir subi des violences sexistes, sexuelles mais également homophobes et racistes.

Nolwenn témoigne d’une histoire de lignée, de tout ce qui recommence et en cela cette création constitue un coup de poing, histoire de société. L’histoire de ce dont on est capable pour se relever être libre. Œuvre lumineuse, politique et poétique portée avec puissance par une comédienne extraordinaire et un chœur de huit femmes. Elle constitue un coup de poing admirable au service de la libération d’une parole toujours à conquérir.

Au final de la représentation le public s’est levé spontanément pour remercier ces femmes. Et au sortir du théâtre, il y avait beaucoup d’yeux rougis par l’émotion.

 

Gisèle-Lydie Brogi

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