Un spectacle produit par la compagnie Inta Loulou (59) et vu au Théâtre du Rond-Point (75) le 16 décembre 2025, à 20H.
- Texte : Yuval Rozam
- Mise en scène: Yval Rozam
- Interprètes : Cécile Fišera, Gaël Sall, Gaëtan Vourc’h
- Lumières et scénographie : Victor Roy
- Costumes : Julien Andujar et Isabelle Donnet
- Régie plateau : Nicolas Bignan
- Accompagnement du vol : Marc Bizet
- Genre: Théâtre.
- Public : Adulte
- Durée : 2H
Avec « Au nom du ciel » De Yuval Rozman, j’ai eu envie de trancher. Aimais-je ce travail ou pas ? Après un premier opus que j’ai fui au bout de 20 minutes, j’ai eu la bonne surprise de découvrir « Ahouvi » (chroniqué). Jamais deux sans trois. « Au nom du ciel » place, à mon sens, Yuval Rozman parmi les auteurs-metteurs en scène contemporains incontournables.
Le postulat de la pièce est en soit génial. Pour convoquer les dérapages sécuritaires d’Israël, Yuval Rozman, originaire dudit pays, prend de la hauteur, en faisant commenter par trois oiseaux l’assassinat d’un jeune palestinien autiste par la police israélienne en 2020. Pas n’importe quels oiseaux mais des volatiles qui, d’une certaine façon, sont la métaphore de la composante démographique d’Israël : Le bulbul d’Arabie, être paisible originaire de la région ; la drara, espèce invasive et agressive et enfin le martinet noir, grand migrateur de son état.
Yuval Rozman était le plus à même de magnifier son texte par la mise en scène. Elle opère selon quatre principes fondamentaux et fantastiques.
Les costumes d’abord, totalement improbables et qui nous emmènent directement ailleurs et en hauteur. Les trois personnages portent chacun la couleur représentative de son rôle –rose saumoné, vert et noir-. Sur une combinaison satinée, ils déploient un ramage fait de franges, de cape ou de culotte tyrolienne, le tout orné de drôles de pompons qui m’ont évoqué des oursins. Aux pieds, ils sont chaussés de chaussons de plongée customisés de sorte à faire apparaître les orteils comme s’il s’agissait des pattes d’oiseaux.
Un oiseau, ça vole. Yuval Rozman a donc prévu un second plateau, aérien. Bouts, pistons, baudriers et autres régisseurs emmènent nos comédiens surplomber notre triste humanité.
Nous en recevons des nouvelles par un écran qui projette des dépêches en français et en hébreux. Et ce n’est guère réjouissant ! Mais la structure et l’inventivité du texte laisse espérer que la lumière ne s’éteigne pas totalement ;
« Au nom du ciel » alterne en effet scènes loufoques et scènes dramatiques. Les premières sont l’apanage de nos oiseaux, parlant de leur vie ou pérorant sur l’actualité des humains. C’est vulgaire voire scatologique mais engagé et hilarant. Les secondes sont les témoignages des acteurs réels du drame. J’ai pleuré d’émotion et apprécié la mise en exergue de la complexité de la situation. Les comédiens, sonorisés, excellent dans chacun de ces registres ; dans le chant et la danse aussi.
Tout aurait été parfait avec moins de longueurs. Je déplore en effet quelques ruptures de rythme et une scène de tribunal redondante avec ce qui avait été déjà énoncé.
Malgré cette réserve, « Au nom du ciel » est un spectacle d’une rare intelligence et créativité. Il repasse au 104 en janvier. J’y amènerai du monde.
Catherine Wolff